Réduction des risques : éthique et enjeux

Séminaire du 4 novembre 2024 par Vincent Benso, Sociologue

 

Dans ce séminaire, le sociologue Vincent Benso présente la réduction des risques (RdR) liés à l’usage de drogues, son histoire et ses applications. La RdR est apparue d’abord comme un mouvement militant face à l’épidémie de VIH des années 1980, avant de se formaliser en une politique de santé publique.

Le conférencier retrace l’histoire des drogues, rappelant que leur usage existe depuis des millénaires. Le 19ème siècle marque un tournant avec la découverte des principes actifs (morphine, cocaïne, héroïne) qui étaient alors des produits de consommation courante. Après une période de faible consommation dans l’après-guerre, les années 1960-70 voient une nouvelle vague d’usage et l’adoption en 1970 d’une loi répressive, encore en vigueur aujourd’hui.

Dans les années 1980, la consommation injectée d’héroïne favorise massivement la propagation du VIH. La France, qui avait interdit la vente libre de seringues en 1972, ne les remettra en vente qu’en 1987, bien plus tard que d’autres pays européens. Les traitements de substitution apparaissent en 1995, consacrant la légitimation de la réduction des risques.

La RdR repose sur plusieurs principes fondamentaux : considérer prioritairement la santé des consommateurs plutôt que chercher à réduire leurs consommations, fournir une information objective sans jugement, et proposer du matériel adapté pour limiter les risques. Contrairement à la prévention classique basée sur la peur, cette approche respecte la capacité de choix des individus et reconnaît que la consommation de drogues peut avoir des fonctions dans l’équilibre psychique de certaines personnes.

Trois formes d’actions collectives caractérisent la RdR : la santé communautaire (comme TechnoPlus dans le milieu festif), l’autosupport (ASUD, Narcotiques Anonymes) et la prévention par les pairs.
Initialement centrée sur les risques infectieux liés à l’injection d’héroïne, la RdR s’est progressivement étendue à d’autres produits (drogues festives, alcool, tabac), d’autres pratiques (chemsex) et d’autres problématiques comme l’engagement des jeunes dans les trafics. Dans le travail social, cette approche peut se traduire par exemple par l’encouragement au maintien d’une activité légale parallèle pour les jeunes trafiquants, ou par la promotion d’alternatives moins nocives comme la cigarette électronique ou le CBD.

Aujourd’hui, 80 000 personnes sont suivies dans 140 centres d’accompagnement à la réduction des risques en France, et 180 000 bénéficient d’un traitement de substitution aux opiacés, ce qui témoigne de l’importance de cette approche dans les politiques de santé publique.